Foyers aérospatiaux

Contexte

Pour concevoir des moteurs d’avion plus respectueux de l’environnement, il est indispensable de modéliser le plus précisément possible ce qui se passe dans la chambre de combustion.
D’ici 2050, les nouveaux avions devront émettre 90 % de moins d’oxydes d’azote (NOx) qu’aujourd’hui. Un sacré défi pour les motoristes, qui devront modifier en profondeur la conception des moteurs ! Pour y répondre, pas question de construire des centaines de moteurs et de les tester un par un : il faut modéliser. Or, la production de polluants comme les oxydes d’azote ou les suies est complexe, car elle dépend de la température et du temps de séjour des gaz dans le moteur.

Les phénomènes physiques mis en jeu dans les chambres de combustion des moteurs aéronautiques sont multiples, complexes, et couplés. Le kérosène est injecté sous forme de jet liquide dans la chambre où il s'atomise, se fragmente et s'évapore au contact de l'écoulement d'air provenant du compresseur. Il réagit avec l'air au travers de réactions chimiques (plusieurs milliers) pour produire de nouvelles espèces chimiques gazeuses (plusieurs centaines), mais aussi des suies.  Fortement exothermiques, les réactions chimiques font grimper la température, les gaz rayonnent. L'ensemble interagit avec les parois, par la dynamique des gaz (frottements) et les échanges de chaleur (convectifs, radiatifs).

Modélisation des suies

Les suies sont des agrégats polluants de composés chimiques pour la plupart riches en carbone, résultant de la combustion incomplète de matières carbonées.

On sait que la physique de la formation de suie est très complexe parce qu'elle implique des mécanismes chimiques se produisant à la fois dans la phase gazeuse et à l'interface entre les petites particules solides de suie et la phase gazeuse environnante. Le développement d'outils numériques fiables pour la prédiction des suie exige que les sous-modèles physiques soient sélectionnés de manière adéquate afin d'obtenir le meilleur compromis entre précision et coût calcul. Compte tenu de la grande complexité du phénomène qu'il convient de reproduire par les modèles de suie, l’outil numérique doit être soigneusement validé par comparaison avec des expériences.

Ingrédients pour la simulation

La méthodologie numérique est basée sur la résolution des équations de Navier-Stokes compressibles en approche LES (Large Eddy Simulation)  pour la phase gazeuse avec le solveur CHARME, tandis que les gouttelettes de fuel sont suivies par approche Lagrangienne avec le solveur SPARTE. Les deux solveurs opèrent selon un mode couplé. D'un côté, CHARME fournit à SPARTE toutes les informations pour calculer les forces de traînée agissant à chaque instant sur les gouttelettes et les flux de chaleur à l'origine de leur échauffement et évaporation. De l'autre, SPARTE fournit à CHARME les flux de masse, de quantité de mouvement, d'énergie transmis par les gouttelettes liquides au gaz.

Au sein de la phase gazeuse, les interactions entre la combustion et la turbulence sont prises en compte au travers de modèles spécifiques comme le modèle ATF (Artificially Thickened Flame). Les mécanismes réactionnels à considérer ne peuvent pas être simplifiés au maximum dans la mesure où des espèces minoritaires agissent comme précurseurs (C2H2, C6H6) ou oxydants (OH) des suies. On a alors recours à des outils de réduction des mécanismes réactionnels. L'approche choisie par l'ONERA consiste en une chimie tabulée basée sur une variété de flammelettes pré-mélangées afin d'être représentatif des mécanismes rencontrés dans les turbines à gaz. Elle résulte finalement à considérer des termes sources sur les équations de transport des fractions massiques des espèces principales (fuel, O2, CO, CO2, H2O, N2).

La prédiction des suies peut se faire selon deux approches. La première, la moins coûteuse, passe par des modèles simples  basés sur la résolution de deux équations de transport supplémentaires dans le solveur de phase gazeuse CHARME. Ainsi, le modèle de Leung et al. tient compte des étapes de nucléation autour du précurseur acétylène (C2H2), de la croissance de surface, de l'oxydation (par les molécules O2 et OH) et de l'agglomération. La seconde approche, plus précise et coûteuse, consiste à suivre les trajectoires des particules de suies par l'approche Lagrangienne avec le solveur SPARTE.