Contexte
Givre : un sujet qui glace les avionneurs
Le givrage demeure un risque majeur pour la sécurité aérienne. L’ONERA, expert en physique et en simulation numérique, aide les autorités à comprendre le phénomène pour mieux le parer.
En 2018, l’ONERA organisait sur son centre de Toulouse, la 1ère édition des Journées Modélisation & Simulation Numérique du Givrage en Aéronautique. Objectif : réunir les acteurs nationaux du domaine afin de dresser un bilan des avancées et des besoins.
L’ONERA joue pleinement son rôle de référent étatique : dès 2016, la DGAC, Direction générale de l’Aviation civile, lui a demandé de réaliser des recherches sur la compréhension et la modélisation des processus physiques fondamentaux qui régissent l’accrétion du givre et ses conséquences sur les différents composants d’un aéronef. Cette convention, nommée PHYSICE, vise à améliorer la capacité des outils de simulation numériques et expérimentaux, et à reproduire et anticiper l’ensemble des phénomènes et donc à terme à améliorer la sécurité aérienne.
Quand et comment le givre se produit-il ?
Il se produit généralement lorsqu'un aéronef traverse un nuage de gouttelettes surfondues pendant le décollage, la montée ou l'approche, ou de cristaux de glaces en croisière. Des gouttelettes gèlent sur les surfaces exposées et entraînent l'accumulation de glace sur les ailes, les nacelles, l'empennage, les antennes, etc. Les cristaux peuvent pénétrer dans les premiers étages des turboréacteurs, partiellement fondre et adhérer à la paroi, conduisant ainsi à de l'accumulation de glace.
L'accrétion peut altérer les performances aérodynamiques de l'aéronef, dégrader le fonctionnement du moteur, perturber les sondes et endommager des composants structurels en cas de départ de morceaux de glace. Pour éviter ou limiter ces effets indésirables, les aéronefs civils sont équipés de systèmes d'anti-givrage ou de dégivrage qui empêchent le givre de s'accumuler sur les parties les plus sensibles (bord d'attaque de l'aile, lèvre de la nacelle, etc.).
Givrage au sol
La problématique est également importante : en conditions météo givrantes au sol, les avions doivent être dégivrés avant le décollage pour des raisons évidentes de sécurité. Aujourd'hui, cette opération est réalisée en projetant des liquides qui intègrent des produits chimiques comme le glycol. Le temps nécessaire pour effectuer cette tâche est très importante et entraîne des retards coûteux pour les compagnies aériennes. Des solutions pour limiter l'accumulation de givre et améliorer les opérations de dégivrage sont actuellement étudiées.
Certification
Pour tenir compte de ces risques, les autorités internationales de sécurité aérienne ont été récemment amenées à faire évoluer les règles de certification, obligeant les constructeurs d'avions et de moteurs à prendre en compte des risques supplémentaires dus à la présence dans l'atmosphère de cristaux de glace (IC, « Ice Crystals ») et de grosses gouttelettes surfondues (SLD, « Supercooled Large Droplets »).
Le rôle de l'ONERA est ainsi de travailler à une meilleure compréhension des phénomènes mis à jeu, notamment dans le cadre le l'élargissement de la norme aux SLD et aux IC. A travers des projets de recherche nationaux, européens et des coopérations internationales, permettant de fédérer les moyens de recherche (banc expérimentaux, bases de données, modèles,...), l'ONERA développe de nouveaux modèles pour améliorer la simulation des phénomènes liés au givrage. Ces modèles sont implémentés dans les différentes plateformes de l'ONERA utilisées pour la simulation de l'accrétion : IGLOO, une plateforme dédiée aux applications « Givrage » et CEDRE, la plateforme de calcul multiphysique de l'ONERA dont les solveurs ont également été enrichis par les modèles de givrage.
Ingrédients pour la simulation
Afin de réaliser un calcul d'accrétion, il est important de maîtriser la captation des particules, les échanges thermiques et massiques avec la phase gazeuse et éventuellement les échanges thermiques avec la paroi.
Concernant le captation des particules, différents raffinement de modèles sont utilisés suivant le type de particules : pour des petites gouttelettes d'eau surfondues, un calcul de trajectoire seul suffit à priori, alors que pour les grosses gouttelettes, il s'agit de prendre en compte les régimes d'interaction avec la paroi (dépôt, rebond, éclaboussement). Pour les cristaux, il faut être capable de calculer l'évolution de leur taux de fonte dont dépend le taux de collage à la paroi... Ainsi, le calcul de captation des particules peut être fait avec le solveur eulérien SPIREE dans le cas des petites gouttes, mais pour les SLD ou les IC, le solveur lagrangien SPARTE sera utilisé car des modèles physiques plus avancés ont été implémentés pour ces particules.
Ensuite, pour calculer les échanges thermiques et massiques avec la phase gazeuse, une méthodologie a été mise en place pour obtenir les coefficients d'échange thermique et massique à partir d'un calcul Navier-Stokes à température de paroi imposée. Ce calcul pourra être réalisé avec le solveur gaz CHARME de CEDRE ou également avec le code d'aérodynamique elsA. Ces coefficients d'échanges et les données de captations sont les données de couplage qui sont ensuite utilisées dans le solveur FILM pour réaliser un calcul d'accrétion.
FILM est un solveur surfacique 3D de CEDRE qui modélise l'accrétion par un modèle à deux couches, une couche de glace surmontée d'un film d'eau ruisselant. Les différents régimes rencontrés en givrage peuvent ainsi être décrits : le cas « Rime Ice » ou « Givre Blanc » correspond à une couche de glace seule dont la température est strictement négative, le régime « Glaze Ice » ou « Givre Transparent » correspond à une couche de glace surmontée d'un film d'eau liquide à la température de 0°C et enfin le cas « Running Wet » ou « Film ruisselant » correspond à un film ruisselant de température positive. Les modèles implémentés dans FILM ont été validés sur des cas de référence de la littérature.
Edité le : 7 mai 2019