Contexte
La propulsion supersonique, un savoir-faire entretenu depuis les débuts de l’ONERA
Le statoréacteur est un moteur simple dans son principe : il ne comporte pas de pièce mobile comme un turboréacteur, mais il ne fonctionne qu’aux vitesses largement supersoniques. Il permet d’aller très vite et assez loin car il est relativement léger. Il ne fonctionne en effet qu’avec du kérosène et l’oxygène de l’air, une fois accéléré au démarrage généralement par un moteur à poudre.
Il y a 40 ans, la technologie du statoréacteur, déjà très bien connue à l’ONERA, était retenue pour propulser l’ASMP, premier missile stratégique aéroporté (Mach 2 à 3, portée jusqu’à 300 km).
La chambre de combustion d’un statoréacteur évoque un tuyau où l’air passe à grande vitesse, et où brûle le carburant. La conception classique conduit à disposer dans la chambre des accroche-flammes qui entretiennent la combustion sans extinction. Mais la présence des accroche-flammes impose de placer l’accélérateur à poudre à l’extérieur de l’engin, le prolongeant de manière rédhibitoire (près de 10 m en tout) pour être porté par un avion chasseur.
Un coup de génie des ingénieurs de l’ONERA a été de concevoir des entrées d’air latérales permettant de placer les injecteurs à la paroi, avec la même efficacité, sans accroche-flammes. Du coup, l’indispensable accélérateur a pu être intégré dans la chambre, et la longueur du missile pratiquement divisée par deux. L’emport sous avion – Super-Étendard, Mirage IV, Mirage 2000 puis Rafale – devenait possible.
Vers les superstatos
Aujourd’hui, l’ONERA, avec les industriels, prépare l’avenir avec des bancs d’essais simulant au sol la propulsion d’engins jusqu’à Mach 10 à 12, et bien sûr, des simulations numériques toujours plus prédictives. A ces vitesses, on ne parle plus de statoréacteurs mais de superstatoréacteurs.
Ingrédients pour la simulation
La simulation de la combustion dans les statoréacteurs passe par la résolution des équations de Navier-Stokes en régime turbulent pour des mélanges de gaz réactifs. Le solveur CHARME est utilisé.
Si l'approche RANS permet de retrouver les caractéristiques topologiques de l'écoulement (recirculations, écoulements de coin), elle est bien souvent insuffisante pour prédire quantitativement de manière satisfaisante les profils de vitesse et de concentrations d'espèces chimiques, ou même des comportements macroscopiques comme le déplacement du front de flamme avec la richesse du mélange. Il est alors nécessaire de passer à l'approche LES. Tous les défis ne sont pour autant pas encore levés pour obtenir avec précision les paramètres de performance du moteur comme le rendement de combustion ou la perte de charge. La DES (Detached Eddy Simulation) est même envisagée pour améliorer la simulation des phénomènes physiques en proche paroi, tels que le frottement et le transfert de chaleur convectif, qui affectent le rendement global.
Pour la combustion, un modèle de type PaSR (Partially Stirred Reactor [1]) peut être utilisé, permettant de traiter sans hypothèse a priori aussi bien les flammes pré-mélangées que non pré-mélangées.
Du fait de la nature supersonique des écoulements, des schémas décentrés sont requis pour la capture des chocs.
Lorsque du kérosène liquide est utilisé, une approche diphasique est nécessaire. Le solveur Lagrangien SPARTE est alors utilisé pour injecter les gouttes de kérosène. Leur échauffement au contact de l'air est modélisé, jusqu'à leur vaporisation. La masse gazeuse alors créée est transférée au solveur CHARME.
Par ailleurs, on cherche parfois à simuler des phases de vol transitoires, comme la séparation de l'engin avec son véhicule porteur, ou l'ouverture de godet. Dans ce cas, les méthodes de traitement de corps mobiles intégrées à CEDRE sont indispensables.
Validation
Pour valider les codes de simulation, l'ONERA a construit une chambre de combustion expérimentale à décharge latérale dans le cadre d'un programme de recherche appelé « Research Ramjet Program » [2]. De section 100x100 mm, équipée de grandes parois vitrées, il s'agit d'une configuration modulaire, pouvant fonctionner selon deux principes :
- dans le premier cas, du propane gazeux est injecté dans la tête, dans l'axe amont de la chambre, au travers de deux tubes circulaires,
- dans le second, du kérosène liquide est injecté dans les deux entrées d'air latérales et/ou dans la tête.
Avec des méthodes spécifiques de colorimétrie, les techniques PIV (Particle Image Velocimetry), LDV (Laser Doppler Velocimetry) et OH-PLIF (OH-Planar Laser-Induced Fluorescence) ou encore la mesure de la composition du mélange gazeux en sortie de chambre, ce banc d'essai fournit des informations qualitatives et quantitatives de l'écoulement et des mécanismes de combustion permettant de confronter les simulations.
Résultats de simulation marquants
L'image ci-dessous correspond à la chambre expérimentale du projet « Research Ramjet Program », traitée en injection de kérosène liquide au niveau des deux entrées d'air latérales (configuration Liquid-Fueled Ramjet LFRJ). La simulation CEDRE est réalisée en diphasique, avec le solveur SPARTE pour l'injection du kérosène liquide, et le solveur CHARME pour la phase gazeuse, en approche LES.
La seconde image correspond à un calcul sur configuration installée « nose-to-tail ». En effet, il est parfois indispensable de recourir à de telles approches du fait des fortes interactions entre l'aérodynamique externe autour du véhicule hypersonique et l'écoulement dans le moteur.
Pour aller plus loin
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l'article Research on Supersonic Combustion
and Scramjet Combustors at ONERA, AerospaceLab Journal, Issue 11, June 2016
Références bibliographiques
[1] Y. Moule, V. Sabel’nikov, A. Mura. Modeling of Self-Ignition Processes in Supersonic Non Premixed Coflowing Jets Based on a PaSR Approach. 17th AIAA International Space Planes and Hypersonic Systems and Technologies Conference, 2011.
[2] A. Ristori, A. Cochet. Research Ramjet Program: an Initiative to Improve Knowledge on Ramjet Reactive Flowfields. 4Th Onera/DLR Aerospace Symposium, 2002
Edité le : 27 juin 2019